Généraliser le travail à distance, se poser les bonnes questions !

catherine

Le télétravail à temps plein a concerné 25 % des collaborateurs durant le confinement imposé à partir du 17 mars 2020. Ils étaient 2 % avant la pandémie1. Ce changement rapide des modes de travail a amené les entreprises à réfléchir à une généralisation d’une approche plus nomade du travail. Ainsi, ce qui avait beaucoup de mal à séduire les managers, notamment ceux adeptes du modèle « command and control » est devenu l’objet de toutes les réflexions. Le télétravail n’est pas qu’une question de modalité. Il aura un impact sur ce que « faire entreprise » signifie.

 L’effet open space 

Rappelons-nous l’arrivée des open space, promus alors comme le graal d’une communication plus fluide, d’une plus grande convivialité, proximité donc d’efficacité sans oublier d’y ajouter l’avantage d’espaces optimisés diminuant les coûts immobiliers des entreprises. Avec le recul et même, réglementation oblige, dans des locaux insonorisés, aux mobiliers design et à la décoration léchée, les salariés plébiscitent rarement de  travailler alignés comme des sardines sur des plateaux où rien n’arrête le regard, entraînant manque d’intimité, bruits, promiscuité plus que proximité, fatigue et stress. La vigilance nous semble de mise pour que le travail à distance à grande échelle et sur un temps long soit au bénéfice de tous, entreprises et collaborateurs confondus.

Certes, l’expérience du télétravail avant confinement a montré ses bénéfices. Pour les salariés, il contribue à plus d’autonomie de travail, une meilleure efficacité/productivité, un meilleur équilibre vie professionnelle/vie personnelle, une diminution de la fatigue… Pour les managers, il favorise autonomie et responsabilisation, une plus grande qualité de vie au travail2. Cette organisation s’inscrit ainsi dans une évolution des modes de travail préexistants à la crise sanitaire qui favorisent une relation de responsabilité et de confiance, une plus grande autonomie et souplesse.

La généralisation du télétravail est sans doute une réponse adaptée à des situations exceptionnelles. Et c’est indéniablement une modalité qui peut prendre une place plus importante dans l’entreprise. Mais ce n’est pas sans conditions. Du point de vue de l’organisation et de son bon fonctionnement, le télétravail à grande échelle soulève quelques questions.

« Faire entreprise », l’enjeu majeur

Continuer à « faire entreprise » nous semble l’enjeu majeur d’une généralisation du travail à distance. L’éclatement des lieux et des repères temporels impactent le sentiment d’appartenance qui sous-tend lui-même l’engagement des salariés, leur créativité, responsabilité, leur efficacité, Or, on ne « fait entreprise » sans adhésion à la mission de l’entreprise, sans culture partagée, confiance et reconnaissance.

Chaque entreprise va devoir trouver son mode de travail à distance. Pour que l’habit soit à sa mesure, elle devra :

À la fois préserver et faire évoluer sa culture afin d’assurer la transmission et l’évolution de ses savoir-faire pour s’adapter toujours à la demande du marché tout en conservant ce qui fait sa spécificité. La culture, ce sont aussi des valeurs auxquelles les collaborateurs adhèrent, des traditions qu’il est bon de respecter. Elles déterminent les codes, les habitudes de comportements. C’est le contrat social qui lie entre eux les membres de l’entreprise.

Il s’agit de faire vivre toutes ces règles implicites qui régissent le vivre ensemble, qui sont  spécifiques à l’entreprise et participent du sentiment d’appartenance, à la cohésion des équipes.

Repenser son organisation pour gagner en efficacité, sens et durabilité dans un contexte de nomadisme plus important des collaborateurs. L’organisation devra se réaligner sur le nouveau canon de l’entreprise, c’est-à-dire l’ensemble des normes et des règles de conduite qui la constitue. La fin du « 9-to-5 job» sur un même lieu pour tous va demander d’imaginer les sources de stimulation, d’émulation, de socialisation adaptées afin de garantir une bonne dynamique de groupe. L’économie ne pourra être faite de repenser les liens d’autorité , les signes de reconnaissance et les modes de management dans un environnement désormais « phygital ».

La généralisation du travail à distance répond à un besoin d’un autre rapport au travail tant de la part des personnes que des entreprises. Toutefois, sans prise en compte de ce qui la définit et la fonde, au fil des mois et des nouvelles embauches, les télétravailleurs seront sans doute de bons prestataires. Ils risquent de ne plus être vraiment des collaborateurs.

Christian Paris, directeur d’Atorg

  1. Étude ʺFullRemoteSkills : quelles compétences pour être un télétravailleur performant ?”, chaire Compétences, Employabilité et Décision RH, EM Normandie, février 2020
  2. Étude “Télétravail, regards croisés salaries & dirigeants », Malakoff Médéric, Le comptoir de la nouvelle entreprise, février 2019

Photo by averie woodard on Unsplash